Tout d’abord quelques données biographiques. Herman Plasmans (né à Mortsel en 1957) habite à Wommelgem, où se trouve aussi son atelier. Pendant ses humanités à l’institution Sint-Jan Berchmanscollege à Anvers, il s’intéressait beaucoup à l’archéologie. Il suivait les cours de sciences administratives et de 1985 à 2008 il était fonctionnaire municipal à Schoten. En 2004 il a terminé les études de consultant seniors au Hoger Instituut Gezinswetenschappen (Institut Supérieur des Sciences de la Famille) où il a écrit son travail de fin d’études avec le titre : “Zorgbehoeftes van oudere lesbiennes” (“Besoins en soins de lesbiennes plus âgées”). Depuis 2008 il travaille comme consultant seniors indépendant et donne des conférences sociales et culturelles. Après le décès de sa mère fin 2001, Herman Plasmans s’est mis délibérément à la peinture. Son énergie libérée a été canalisée dans les arts plastiques. Il a suivi des cours de peinture chez Ineke Staal à Schilde. Outre la peinture, il a une passion prononcée pour la photographie de portraits en pose. En plus, il est auteur de quelques publications.
L’analyse qui est exposée ici se concentrera sur ses peintures, collages et assemblages à partir de 2002. Dès le début, non seulement il se plonge dans les médias classiques de la peinture (p.ex. peinture acrylique sur un canevas), mais il utilisera également des techniques de collage. Le collage est une œuvre d’art réalisée avec des morceaux ou des rognures de papier, du textile ou du sable, qui sont collés sur un panneau ou un canevas et de ce fait sont transformés dans ou en une peinture. Cette technique a été appliquée à partir de 1915 pour la première fois par les dadaïstes, par des artistes tels que l’allemand Kurt Schwitters et le flamand Paul Joostens.
Une œuvre typique de Herman Plasmans de ses débuts a comme titre “Mythe” (2004). Dans cette peinture, le fonds est une symphonie douce et lyriquement abstraite de couleurs (acrylique sur un canevas) avec comme collage la photo d’une femme/d’un homme qui paraît flotter. Le spectateur se trouve face à une énigme. À première vue, c’est une femme, mais ça pourrait aussi bien être un homme. Ainsi un mythe est né. Dans sa jeunesse, l’artiste consacrait beaucoup de temps à l’archéologie et actuellement il donne pas mal de conférences sur les figures mythiques et iconiques du monde des arts, de Coco Chanel à Marguerite Yourcenar en passant par Pablo Picasso. Cette toile “Mythe” est, pour répéter les mots du philosophe italien de l’art Umberto Eco, une “œuvre d’art ouverte”, avec de nombreuses possibilités d’interprétation. Personnellement je vois dans cette peinture une représentation du mythe d’Icare. Icare est le fils de Dédale qui s’échappe avec lui du labyrinthe sur des ailes artistiques, mais qui vole trop près du soleil, de sorte que les ailes créées avec de la cire se détachent et qu’il tombe dans la mer (Ovide, Métamorphoses). Un thème éternel dans les arts plastiques : de Brueghel à Herman Plasmans en passant par Paul Van Hoeydonck.
Il approfondit encore plus cette technique de collage et outre le papier il utilisera aussi le textile. Une œuvre typique ici est un “Portrait” expressif d’une femme de 2010 en jaune, vert et rouge, avec de la peinture acrylique et du textile sur un canevas. L’image de la femme est par ailleurs une constante dans ses œuvres. Et cette expérience ne se termine pas. Il avance sur la voie de l’assemblage. Entretemps il a déjà collé sur un canevas les objets les plus divers : entre autres, des photos, radiographies, journaux, bois, métal, pierre, caoutchouc, corde, câble, fil anti-mouche, plastique, boîtes, toutes sortes de vêtements : soie, dentelle, jeans, broderie. Le terme assemblage trouve sa source dans le mot français “assembler” (réunir). C’est la combinaison de toutes sortes d’objets, aussi de déchets (junk art), souvent “objets trouvés” dans une peinture, un panneau ou une toile ou dans une structure isolée de montage. Des figures importantes sont, e.a. le français Jean Dubuffet, qui dans les années cinquante du siècle dernier a employé ce nom “assemblage” pour la première fois, l’américain Robert Rauschenberg (combine paintings) et les flamands Vic Gentils et Paul Van Hoeydonck.
Une œuvre typique très expressive d’un tel “combine painting” de Herman Plasmans a comme titre “Hoofden, hand, voet” (“Têtes, main, pied”) de 2010 avec de l’acrylique et des feutres, ‘technique mixte’, laque, bois, papier sur un canevas. Dans la même technique expérimentale, nous trouvons “Kameleon” (“Caméléon”) de 2019 avec de l’acrylique et de la broderie/dentelle sur un canevas. Cette œuvre se caractérise plutôt par l’abstraction. Un caméléon change de couleur selon son entourage. Du thème “femme” à “Paris”, ce n’est qu’un petit pas dans son œuvre. “Rue Jacob” (2020) est une peinture frivole avec une figure singulière et avec feutre et rouge à lèvres sur le canevas. Dans “Nabij Pont de l’Alma” (“Près du Pont de l’Alma”) (2018) où il utilise des feutres sur le canevas, il reproduit une tête de femme, dont l’expression renvoie pour ainsi dire à l’existentialisme. Herman Plasmans connaît très bien la philosophie/littérature française et en donne des conférences appréciées. Dans son œuvre les travaux figuratifs alternent avec les travaux abstraits. Herman Plasmans s’associera ici à l’abstraction dite lyrique ou chaude, où l’improvisation et l’engagement créatif individuel jouent un rôle important. La forme, la couleur et la ligne occupent une place centrale ici. Ces œuvres portent le titre “Compositie” (“Composition”) (2014-2018-2019).
Herman Plasmans est donc un talent multiple. Il est auteur, homme de lettres, peintre, collagiste, assemblagiste, mais aussi un photographe assidu. Et dans la photographie artistique, il développe une niche spéciale. Il s’inspire d’un concept, d’un terme dans l’art contemporain. Il demande à quelques passants fortuits ou à de bonnes connaissances qui lui touchent en interne ou externe s’ils lui permettent de les photographier et puis il transforme ces photos en créations uniques. Dans ce même sens, il photographie et transforme des photos d’étalages de p.ex. boutiques de mode ou lingerie.
Ma conclusion : Herman Plasmans s’est épanoui avec sa peinture, ses collages, ses assemblages, sa photographie au cours des deux dernières décennies comme un artiste contemporain à part entière, avec un propre style reconnaissable. Il tâte les limites de la figuration et de l’abstraction. Les thèmes les plus importants dans son œuvre sont la femme, en toutes ses formes, la nature en toutes ses facettes et les idées plus littéraires-philosophiques avec des titres comme : “Levenskunst” (“L’art de vivre”), “Myth” (“Mythe”), “Sprookje” (“Conte”), “Zen, “De schepping” (“La création”), “Wijsheid” (“Sagesse”), “Meditaties” (“Méditations”), “Het geschreven woord” (“Le mot écrit”), … Certaines œuvres sont orientées à l’actualité comme “Cor(ona)” (2021) et “Mijn gevecht tegen corona” (“Ma lutte contre corona”) (2021). Dans cette dernière œuvre, vous voyez sa tête, l’arc et la flèche de son grand-père, les plumes d’un perroquet et de petits bois de gibier. Tout de même une image surréaliste oppressante d’un artiste multiple.
Ernest Van Buynder, Président honoraire du MuHKA (Musée d’Art Contemporain d’Anvers).